Le 11 août, le Conseil d’État suspend la dissolution des Soulèvements De La Terre. L’un des aspects intéressants de cette séquence judiciaire est ce qu’elle dit des luttes pour les communs et plus précisément du mouvement des communs.
Les Soulèvements de la Terre participent d’un renouvèlement des modalités et des répertoires d’action du mouvement social et écologique qui se traduit par une articulation stratégique et systémique des luttes. Sur le fond : les objets de luttes traditionnels de l’écologie : eau, biodiversité, climat, foncier et alimentation, droit du vivant, santé, … etc sont embrassés dans leur ensemble et en convergence avec luttes sociales avec les mouvements contre le racisme et l’oppression des habitants des quartiers populaires, avec les mobilisations travail/retraite, celles contre la vie chère/Gilet jaune, …etc. Sur la forme : désobéissance civile non-violente, manifestations pacifiques articulées sous forme de saisons, plaidoyer, mobilisation du droit comme terrain de lutte, éducation populaire et reprise de savoirs, développement communautaire et communaliste, … Cette lutte s’orchestre de manière distribuée dans le temps et l’espace (camps de base, convoi de l’eau, rassemblement dans les ZAD, …etc).
La décision du Conseil d’Etat est indéniablement une victoire du mouvement social et écologiste. C’est une victoire plus visible que les autres : avoir rendu visible, audible et légitime la lutte contre le changement climatique (la désobéissance civile), avoir pu rassembler les efforts militants fragmentés et éclatés notamment, et ouvrir la perspective d’une alternative articulée autour de la défense des droits humains et écologiques. De ce point de vue, on est au coeur des communs : à la fois rendre effectifs les droits humains, sociaux et culturels (Rodota pour simplifier) et écologiques et déployer la solidarité, la coviabilité (O. Barrière, là aussi pour faire simple).
La guerre de l’eau n’a pas commencé à Sainte Soline. Elle fait rage en France depuis longtemps et sous différentes formes : voir par exemple l’histoire des luttes des groupes locaux contre l’accaparement de l’eau par les concessions vosgiennes à Nestlé (Hépar, Contrex et Vittel), ou les procès menés il y a quelques années contre les coupures d’eau par les multinationales françaises, ou plus connues les remunicipalisations des services de l’eau. Ces luttes, comme d’autres sur le foncier, la santé, l’alimentation, …etc, sont de fait constitutives du mouvement des communs.
Plutôt que de nier l’appartenance des Soulèvements de la Terre au mouvement des communs, il faut s’intéresser à l’analyse de ces stratégies politiques, mais aussi à la critique de celles qui depuis le projet d’État libéral (et souvent néolibéral) tentent de ré-encastrer les communs à leurs propres fins, et dont le commonswashing n’est que la partie visible.